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4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 16:39

Les éléments scéniques dans des mises en scène de Rhinoceros de Ionesco

 

Les questions sur l’œuvre et les mises en scène vous invitaient à réfléchir sur les difficultés de la mise en scène et du respect du texte premier. Ces questions portent sur les éléments scéniques des mises en scène de la pièce Rhinocéros : mise en scène de Jean-Louis Barrault au théâtre de l’Odéon en 1960, mise en scène de Karl Heinz Stroux au théâtre Sarah Bernhardt à Paris en 1960, mise en scène de Jean-Louis Barrault au théâtre d’Orsay à Paris en 1978, et mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota au théâtre de la Ville de Paris en 2004.

A / Les difficultés de la mise en scène

Il est impossible de transcrire le texte sur scène en respectant parfaitement les didascalies. La liberté très grande du texte vient de ce qu’il est déjà une transposition d’une nouvelle de Ionesco. Ainsi, certains passages tels que « presque simultanément nous vîmes apparaître, puis disparaître, le temps d’un éclair, sur le trottoir opposé, un rhinocéros soufflant bruyamment et fonçant, à toute allure, droit devant lui » ne sont pas transposable tels quels sur scène.

Il y a donc deux difficultés : 1 ) montrer les rhinocéros sur scène 2 ) montrer la métamorphose de Jean dans le deuxième tableau de l’acte II.

- Pour la première difficulté, l’illusion référentielle est exclue. Il faut trouver des subterfuges pour, non pas montrer les rhinocéros, mais suggérer leur présence : bande-son (galops et barrissements), poussière soulevée sur scène. dans le premier tableau de l’acte II, les employés de bureau voient Monsieur Bœuf dans l’escalier. Le spectateur entendra cet escalier s’effondrer les barrissements du personnages. Mais l’essentiel repose sur le jeu des acteurs : mimique des personnages sur scène qui eux voient les animaux, et qui permet ainsi de suggérer la présence de ceux-ci.

- Les costumes et accessoires peuvent également être utilisés. Ainsi, à l’acte III, Ionesco indique qu’on voit un « homme avec une grande corne au-dessus du nez puis une femmes ayant toute la tête d’un rhinocéros ». La mise en scène peut choisir de représenter la corne ou la tête de l’animal. En revanche, un déguisement complet paraît exclu.

 

- Pour la deuxième difficulté, la salle de bains constitue un hors-scène qui permet d’escamoter l’acteur le temps des transformations. Jean quittant la scène « pour se rafraîchir », l’acteur peut ainsi modifier son apparence. William Sabatier parle ainsi de son interprétation du personnage Jean dans la mise en scène de Jean-Louis Barrault : « En très peu de temps, en coulisses, il fallait que je me barbouille de vert, la carapace était mise au début sous le pyjama (…). Je dévoilais de plus en plus de carapace verte et de maquillage tout en parlant. J’avais un mégaphone à la main pour faire des rugissements. ». On voit que l’illusion peut ainsi s’opérer grâce au costume, au maquillage et aux bruitages.

 

B / Un parti pris réaliste ou un parti pris stylisé ?

De ce point de vue, les mises en scène peuvent suivre deux options différentes :

  • soit essayer de créer l’illusion référentielle en étant au plus près de la réalité. La corne et la carapace du rhinocéros sont alors montrées de la façon la plus réaliste possible. Dans les mises en scène de Jean-Louis Barrault et de Karl-Heinz Stroux, la foule des rhinocéros est suggérée par des têtes accrochées au mur. Les cornes et les carapaces sont les plus réalistes possibles, quoiqu’ un peu plus stylisées dans la seconde mise en scène de Jean-Louis Barrault en 1978.
  • soit la mise en scène peut recourir au symbolique. C’est le cas de la mise en scène de Emmanuel Demarcy-Mota, au théâtre de la ville de Paris, en 2004, où la corne est figurée par un tuyau d’acier maintenu par un bandeau blanc. Dans cette mise en scène, les personnages portent des masques informes sur le visage, créant une atmosphère de « cauchemar obsédant ».
  • De même, les décors peuvent être réalistes ou stylisés. Le décor est réaliste dans la mise en scène de Jean-Louis Barrault de 1960. En revanche, c’est un fond noir pour celle de 1978. Chez Emmanuel Demarcy-Motta, le décor est métallique, suspendu et mobile : deux passerelles se soulèvent à leur extrémité. Ce décor stylisé est le symbole de notre monde moderne déshumanisé.

 

C / Les changements dans l’interprétation de l’œuvre

On voit ainsi que les choix de mise en scène influent sur l’interprétation et le sens de l’œuvre. Jean-Louis Barrault fait clairement référence au nazisme. mais un mise en scène plus récente peut abandonner cette interprétation première pour montrer les nouveaux fascismes et les nouveaux totalitarismes qui se développent dans notre monde moderne.

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commentaires

C
Je suis fan de ta façon d'écrire ;-) bises
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C
Merci beaucoup pour cette article passionnant!! C'est devenu plus clair dans ma tête pour préparer une ouverture pour le Bac. Il y a une chose que vous avez rappelé à la fin et qui n'est pas assez souvent marqué à mon goût est l'intemporalité de l'œuvre. Le sujet reste toujours d'actualité et on peut moduler la mise en scène par différents facteurs afin de rendre l'action à un temps donné (dans la limite des indications scéniques imposées par l'auteur, bien sûr). <br /> J'imagine que la problématique est la même dans La leçon également? D'autant plus que Ionesco laisse le choix du caractère matériel du couteau ou de son illusion... Peut-on se libérer complètement de ça, et par exemple représenter le couteau avec un objet tout autre pour marquer davantage le mélange comique/tragique?
Répondre
C
merci merci !!!
G
gfhf

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